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Kharoll-Ann Souffrant

Dirigée par Simon Lapierre, professeur titulaire à l’École de service social de l’Université d’Ottawa

  • Thème : De #AgressionNonDénoncée à #MoiAussi: une analyse intersectionnelle des mouvements de dénonciation en ligne d’agressions sexuelles au Québec (2014-2017)

  • Objectif général : L’objectif général de ma thèse est de mieux comprendre l’émergence, l’évolution, les manifestations et les impacts (actuels et anticipés) des mouvements de dénonciations en ligne d'agressions sexuelles au Québec, à travers les cas #AgressionNonDénoncée (2014) et #MoiAussi (2017). Plus concrètement, je m’intéresse au regard jeté sur ces mouvements de dénonciation à travers la perspective des médias, des intervenantes et militantes féministes ainsi que des femmes victimes d’agressions sexuelles, et ce, avec une préoccupation pour les survivantes vivant à la croisée de multiples systèmes d’oppression n’ayant pas bénéficié de la même couverture médiatique lorsque ces mouvements battaient leurs pleins.

  • Un aperçu de la problématique : Malgré la forte prévalence des agressions sexuelles, elles demeurent à ce jour l’un des crimes les moins déclarés aux autorités policières en plus de générer de très faibles taux de condamnations criminelles lorsque rapporté (Boyce et al., 2015; Conroy et Cotter, 2017; Rotenberg, 2017). Parmi les raisons nommées par les femmes pour expliquer ces faibles taux de dénonciation, on note la crainte de ne pas être crues, une attitude culpabilisante de la part d’acteurs judiciaires, la connaissance des sentences clémentes ainsi que le manque d’informations sur le processus judiciaire (Frenette et coll., 2018). Il a été également documenté que des préjugés négatifs envers les victimes d’agressions sexuelles persistent au sein de l’appareil judiciaire (Craig, 2018; Lessard, 2017). 

    En raison de ces barrières à la dénonciation formelle, la fin de l’année 2017 a été marquée, en Amérique du Nord, par une vague de dénonciations historique d’agressions sexuelles, dénonciations principalement menées par des femmes, et ce, à l’extérieur des canaux judiciaire et policier. Le mouvement #MeToo (#MoiAussi en français) a initialement été lancé en 2006 par la militante afro-américaine Tarana Burke (Fofana, 2018). Il a repris vie en 2017 dans la foulée des allégations d’agressions et de harcèlement sexuel visant le producteur hollywoodien déchu Harvey Weinstein (Kantor & Twohey, 2017). Ces prises de parole sur les médias sociaux ne sont pas sans rappeler le mot-clic #AgressionNonDénoncée (#BeenRapedNeverReported en anglais) lancé en 2014 par deux journalistes canadiennes (Maheu, 2014). #MoiAussi a eu des échos jusqu’au Québec et devant l’ampleur du mouvement, l’État québécois débloquera d’importantes sommes pour soutenir le travail des CALACS (Croteau, 2017). Toutefois, ces sommes seront jugées insuffisantes pour répondre à la demande engendrée par #MoiAussi (TVA Nouvelles, 2017; RQCALACS, 2017). En effet, plusieurs CALACS de la province enregistrent une hausse des demandes d’aide allant jusqu’à 500% (RQCALACS, 2017), une situation qualifiée de « jamais-vu[e] » (Massicotte, 2017). C’est également au Québec que l’on enregistrera la plus forte hausse (61%) de dénonciations à la police au pays après l’apogée du mouvement #MoiAussi (Rotenberg et Cotter, 2018).

    D’autre part et plus récemment encore, des voix dissidentes se sont élevées – notamment celles de Tarana Burke elle-même, de militantes féministes et de chercheuses racialisées – pour dénoncer l’invisibilisation des femmes noires à l’origine de la genèse du mouvement #MoiAussi ainsi que le peu d’attention médiatique accordé aux victimes d’agressions sexuelles les plus marginalisées et vivant à la croisée de multiples systèmes d’oppression (Burke, 2017; Lopez, 2017; Onwuachi-Willig, 2018). Le #MoiAussi de 2017 aurait surtout mis de l’avant la parole et les expériences de femmes blanches, privilégiées et issues du star-système (Nadeau, 2018).

  • La méthodologie envisagée : entrevues individuelles, groupes de discussion, analyse féministe et critique de contenu.

Kharoll-Ann Souffrant

Candidate au doctorat en service social de l'Université d'Ottawa

ksouf081@uottawa.ca